Limace : comment lutterLes années humides, c'est le cauchemar du jardinier, la bérézina pour les salades, les semis d'épinards, les œillets d'Inde et bien d'autres. Inutile de trop s'attarder sur les présentations, le coupable est bien connu. Quoique...
Une dizaine d'espèces Limace 'arion rufus'
Dans l'immense groupe des gastéropodes terrestres, limaces et escargots comptent près de quinze mille espèces. Parmi elles, une dizaine d'espèces de limaces causent d'importants dégâts sur les cultures et dans les jardins. La plus facile à reconnaître est
Arion rufus, grosse limace rouge (jusqu'à 15 centimètres), dont la couleur peut varier du brun très clair au noir. La plus redoutable,
Deroceras reticulatum, petite limace grise (3,5 à 5 cm) est particulièrement vorace et prolifique (les années humides, deux générations peuvent se succéder). Quant à
Arion hortensis, ou limace horticole, brune ou noire, elle consomme plutôt moins de verdure que les autres, mais s'attaque par contre aux racines et aux tubercules.
SymptômesIls sont connus : jeunes semis rayés de la carte et légumes feuilles ravagés, avec une préférence pour les plus tendres et pour les plants déjà entamés. Les traces de mucus, une bave qu'elles sécrètent lors de leurs déplacements, signent leur forfait.
Mode de vie Oeufs de limace
Les pontes se font à l'automne par paquets de plusieurs dizaines d'œufs dans la terre, au fond de galeries. Certaines espèces de limaces peuvent pondre jusqu'à cinq cents œufs par an ! Ces œufs résistent assez bien au froid, ce qui n'est pas le cas des adultes.
Aussi les éclosions ne se font elles généralement qu'à partir d'avril, selon les conditions climatiques.
Constituées de plus de 80 % d'eau, les limaces ne sont pas protégées de la dessiccation, contrairement aux
escargots. Elles peuvent seulement la limiter en se contractant ou en s'enfouissant dans le
sol. Leur activité de surface est essentiellement nocturne, mais elle dépend surtout de la température et de l'humidité. Ainsi, les limaces resteront à l'abri si la nuit est chaude, mais seront actives le jour si le temps est frais et humide.
Leur appétit pousse les plus grosses d'entre elles à dévorer jusqu'à 50 % de leurs poids en une seule nuit. Elles disposent pour cela d'une arme redoutable : leur plancher buccal, conformé comme une râpe, ce qui leur permet de mettre en pièces la plupart des tissus végétaux, et d'ingurgiter à l'occasion des cadavres d'animaux morts et toutes sortes de déchets végétaux. Cela pourrait les faire passer pour d'utiles recycleurs de matière organique, si elles n'avaient cette fâcheuse prédilection pour les pousses tendres de nos
légumes.
Tout comme les escargots, les limaces sont hermaphrodites. L'accouplement se fait en fin d'été ou à l'automne, chaque individu devenant tour à tour mâle, puis femelle.
Moyens de lutteAucun ravageur n'a suscité autant de trucs et astuces que la limace. Leur efficacité est très variable et il est généralement nécessaire d'en associer plusieurs.
Mesures préventives
- Protégez leurs ennemis naturels : hérisson, orvet, batraciens, musaraignes, staphylin, ver luisant et de nombreux oiseaux…
Offrez-leur un environnement riche et diversifié. Evitez de les empoisonner.
- Les poules et surtout les canards adorent les limaces. Vous pouvez les lâcher dans le jardin à l'automne s'il n'y a plus de culture fragile.
- Attention au mulch, à ne pas mettre en place avant que le temps chaud et sec se soit installé, car il fournit abri et nourriture aux limaces.
- Pratiquez des arrosages peu fréquents, mais très abondants et aussi localisés que possible, de préférence le matin.
- Le purin de limaces, préalablement tuées, fermenté pendant dix jours, semble être un bon répulsif – fort malodorant – à verser autour des planches menacées, mais il faut le renouveler régulièrement.
- Les barrières physiques : cendre, suie, poudre de roche… ne sont efficaces que jusqu'à la prochaine pluie. Un peu court !
Méthodes de lutte proprement dites Anti-limace au ferramol
- Les pièges à bière demandent finalement beaucoup de travail pour un assez maigre résultat, d'autant que d'utiles prédateurs peuvent également s'y noyer.
- Le piégeage avec différents appâts (morceaux de pommes de terre, de courge, peaux de pamplemousses, son de blé…) est relativement fastidieux, mais permet d'importantes « récoltes » de même que le ramassage des limaces qui se réfugient le jour sous des planches ou des bouts de moquette.
- Les expéditions punitives à la tombée de la nuit, avec une lampe de poche et un couteau, sont sans doute cruelles, mais d'une grande efficacité. Les jardiniers anglais – qui s'y connaissent en limaces et ont un grand respect pour les animaux – préconisent cette technique en utilisant une longue épingle à chapeau fixée à un manche.
- Une méthode de lutte biologique est venue compléter cette panoplie : le recours à des nématodes, vers microscopiques prédateurs spécifiques des limaces. Ils sont conditionnés en poudre, à diluer dès réception dans 80 ou 200 litres d'eau (pour 40 ou 100 m²) puis à épandre à l'arrosoir un soir de printemps sur un sol humide (le maintenir humide au moins 15 jours). Les nématodes recherchent activement leurs proies, pénètrent dans le corps de leur victime par l'orifice respiratoire et y répandent les bactéries qui lui sont fatales. Les limaces visibles en surface présentent un gonflement caractéristique, mais toutes celles qui sont dans le sol sont également atteintes. Une application au printemps vous débarrasse en principe pour toute la saison des petites limaces dont les déplacements sont réduits. Quant aux grosses, elles peuvent revenir des alentours à l'automne. Principal inconvénient, ce produit est assez coûteux.
- Non-toxique pour les autres espèces et pour le milieu, le phosphate de fer remplace avantageusement le métaldéhyde (qui n'avait pas la même innocuité). Il inhibe l'appétit des limaces, qui retournent vers leurs abris pour mourir. Le produit reste actif plus longtemps s'il est abrité (sous une tuile ou sous un petit tunnel réalisé avec une bouteille en plastique). A disposer aux extrémités de vos planches de salades (une cuillère à soupe pour chaque abri). Le produit se dégrade en phosphates et en fer. Il est désormais homologué en France (vendu sous le nom de Ferramol dans les jardineries).
Antoine Bosse-Platière, Les 4 Saisons du jardin bio
Crédit photos : Gauthier Savart - Lipedia - X.G