Retourner la terre... ou non ?On a coutume de retourner la terre avant toute mise en culture. C'est ce que l'on appelle le bêchage. Mais quelle est la justification de ce geste très ancré ?
Pourquoi le jardinier bêche-t-il ? Bêchage
Au moment de planter ou de semer, il est préférable que la terre soit meuble et aérée. Cela permet aux racines des plantes de se développer facilement.
Alors, le jardinier bêche : il plante son outil profondément dans la terre, retourne les mottes, les brise d'un coup de « fer » et décompacte ainsi peu à peu la parcelle ou le massif. Il en profite (c'est l'autre justification du bêchage) pour supprimer les racines ou les cailloux qu'il pourrait rencontrer.
Est-ce la meilleure façon d'obtenir un sol meuble, et surtout fertile ? Le jardinier ne le sait pas... Mais le poids de la tradition (mon père faisait comme ça, et avant lui mon grand-père...), les images de ces grands champs profondément retournés par les machines agricoles... Tout milite pour la reproduction de ce geste séculaire !
Un miroir en trompe-l'œilAu moment de la plantation, l'objectif semble atteint. En réalité, on peut pointer plusieurs problèmes :
- la fatigue, d'abord : bêcher, c'est épuisant et cela use le dos
- la vie du sol (que l'on va détailler plus bas), a été complètement chamboulée par ces retournements
- chaque pluie durcit ce sol nu, qui devient dur et se craquèle
- ce travail va devoir être renouvelé chaque année
- la fertilité de la terre diminue à chaque répétition, au point que l'on doive ajouter moult amendements (engrais, compost...) pour la rendre apte à la culture
L'exemple de la NatureRegardons autour de nous... Dans la Nature, les plantes poussent fort bien. Or, personne ne travaille le sol ! Et que dire des arbres majestueux de la forêt ? Pensez-vous qu'ils n'ont pas besoin d'un sol fertile pour pousser ?
Voilà qui conduit à se poser des questions...
Le sol est vivant Lombric dans la terre
La terre n'est pas un simple « support de culture ». C'est un milieu vivant !
En simplifiant, c'est une chaîne qui se compose de la façon suivante :
- matière organique (feuilles, brins d'herbe, BRF ou compost) sur et dans le sol
- de l'air et de l'eau qui permettent la dégradation de cette matière organique
- des vers de terre, qui s'attaquent à cette matière organique et la transportent en profondeur
- des micro-organismes, enfin, qui dégradent les rejets des lombrics et les transforment en nutriments assimilables par les végétaux.
Notez l'importance de l'air, souvent négligé. Le même que vous apportez au cœur du tas de compost lorsqu'on vous le retournez ! Sans lui, pas de dégradation de la matière organique...
Changer les habitudes Sillons dans un champ
Connaître cette chaîne, la respecter et l'encourager constitue un moyen efficace et beaucoup moins fatigant de créer et conserver au fil des années un sol fertile et propre à la culture. Cela impose de revoir certains comportements...
- Plutôt qu'apporter des engrais aux plantes, nourrissez la terre, en incorporant de la matière organique. C'est le principe du Bois Raméal Fragmenté (BRF); également celui de l'enfouissement des engrais verts.
- Evitez les piétinements répétés, qui tassent le sol. Créez des allées, posez des planches au milieu des massifs.
- Paillez la terre : elle est ainsi protégée des pluies qui la compactent. Ne laissez jamais nue une parcelle non travaillée. Recouvrez-la d'un paillis de feuilles mortes, ou mieux semez un engrais vert.
- Préférez la binette ou la griffe à la bêche : elles travaillent en surface et ne déstructurent pas le sol.
Un outil à adopterGrelinette, tarabatte, aérabèche, biogrif... Autant de noms différents pour cette « bio-fourche » qui vise à ameublir la terre sans la retourner. On plante ses dents dans le sol, puis l'on tire les 2 manches à soi. La terre est décompactée et aérée, sans retournement. Le tout sans se pencher... Adieu le mal de dos !
Les limites de l'exerciceComme on dit, « Paris ne s'est pas fait en un jour ». Ces changements d'approche valent la peine d'être essayés. Mais si votre sol est très argileux, que votre terre a été travaillée classiquement pendant des années, tout arrêter du jour au lendemain ne donnera pas le miracle espéré.
Commencez par préférer la fourche bêche à la bêche, trop destructrice. Couvrez le sol; apportez de la matière organique en surface. Vous serez surpris de constater que la terre redevient fertile et plus facile à travailler lorsque la vie s'y réinstalle !
Xavier Gerbeaud.